J’ai profité des vacances pour aller voir l’exposition Vasarely avant sa fermeture. Une petite heure d’attente, qui passait assez vite si on avait pensé à prendre un livre… Beaucoup de monde donc, ce qui ne permet pas toujours de s’attarder devant les œuvres, ni de photographier facilement — surtout avec un téléphone.
J’ai beaucoup aimé cette exposition, qui présentait l’élaboration progressive de la vision de Vasarely, de ses techniques. Les premières salles présentaient les années de formation, où l’on voit déjà des explorations sur les formes et les contrastes. Par exemple, « Étude de mouvement (anneaux-baleine) », datant de 1939 :
Ou bien cette étude sur le mot « Facture » (1929), un exercice désormais classique de déformation. Mais il montre que Vasarely maîtrisait les bases du dessin et de la peinture, et que son évolution n’est pas une manière de compenser sa faiblesse technique…
Vue d’une salle présentant les grands formats colorés des années 1940-1950, quand il commence à réfléchir sur l’intégration de la peinture et de l’architecture, inspiré par les motifs de galets, les carrelages usés ou encore les maisons du Midi :
Progressivement le Vasarely que nous connaissons commence à émerger, avec ses quadrillages contrastés et ses effets de volumes, ce qu’il appelle l’op art (art optique). Par exemple, Supernovae en 1959-1961 :

Un effet amusant pris complètement par hasard : la tête des visiteurs superposée au tableau semble déformer l’espace. Avec de la patience, de chouettes photos auraient pu être faites dans cette salle !
L’exposition continue avec les œuvres en couleur, quand Vasarely définit son « alphabet élémentaire » : six formes fondamentales, quelques couleurs, dont la combinaison permet de créer un nombre infini d’oeuvres. En voici une déclinaison sous forme de jeu de société :
Vue de l’une des salles consacrées aux années 1960-1970, celles de l’apogée du succès et de la visibilité :
L’exposition montrait bien comment l’esthétique de Vasarely s’est diffusée en France et à l’étranger à cette époque-là, entre le logo de Citroën, la couverture d’une collection d’essais, la mode…
Une reconstitution spectaculaire montrait la salle à manger du siège social de la Bundesbank à Francfort :
La fin de l’exposition présentait différents sites accueillant des fresques de Vasarely, universités notamment, mais aussi la gare Montparnasse à Paris, par exemple. Voir ces bâtiments fait réaliser à quel point le style Vasarely est associé aux Trente Glorieuses et à leur architecture, c’est-à-dire au béton, aux blocs… et à quel point il nous semble très daté, dépassé. Il est clairement emblématique d’une époque : dans les œuvres exposées on retrouve l’atmosphère visuelle des séries télé des années 1960, on comprend mieux le point de départ du psychédélique. On aurait d’ailleurs aimé en savoir un peu plus.
Bref, une exposition passionnante ! S’il faut trouver quelques bémols : il aurait été bon de sous-titrer les extraits vidéos, dont le son était très faible et partiellement couvert par la rumeur des visiteurs (sans parler de l’accessibilité aux personnes malentendantes).
Également, la dimension financière n’est jamais abordée. Quand des tableaux sont repris sur des supports aussi variés que des façades, des livres, des affiches, l’on sort de l’art pour entrer dans le design, dans une certaine industrialisation. Sans intrusion dans la vie privée, on aimerait se faire une idée du modèle économique sous-jacent, du mode de travail de l’artiste.
En complément : beaucoup d’articles sont parus à l’occasion de cette exposition, reprenant généralement les éléments du dossier de presse. En contraste, j’ai trouvé particulièrement intéressant cette petite biographie critique: Serge Lemoine, «Vasarely, une histoire», Koregos, janvier 2014.